
André-Anne Parent
Professeure agrégée, École de travail social, Université de Montréal

Sonia Racine
Conseillère en mobilisation des connaissances, Communagir

Lucie Morin
Doctorante, École de travail social, Université de Montréal
Avec plus de 250 démarches de développement des communautés territoriales (DCT), le Québec a acquis une grande expertise dans l’agir-ensemble intersectoriel. Les organisations qui les composent proviennent des secteurs public (notamment municipal), communautaire et privé (dont philanthropique) et incluent parfois des citoyens et citoyennes. Elles réalisent des actions collectives pour améliorer les conditions de vie des populations : développement de nouveaux services ou d’activités, amélioration de l’accès physique et économique, renforcement des pratiques auprès de populations marginalisées, etc. Dans la conjoncture où les démarches de DCT tentent de s’ajuster à la nouvelle réalité engendrée par la crise climatique et de se mettre plus largement au service des enjeux de transition socioécologique1, plusieurs souhaitaient mener une réflexion structurée et structurante afin de cerner leur rôle dans ces grands bouleversements.
Afin de contribuer à cet objectif, l’équipe de la recherche partenariale « Transition socio-écologique et philanthropie dans le développement des communautés territoriales » réalise, depuis 2020, une étude de cas multisites portant sur la capacité de huit démarches de DCT à inscrire et à porter des objectifs de transition socio-écologique (Courtemanche et coll., 2022; Morin et coll., 2023). Ces démarches se situent dans divers territoires du Québec et ont cours aux échelles locales, supralocales ou régionales.
Dès lors, la mobilisation et la participation pour lutter contre la pauvreté et celles pour lutter contre les changements climatiques dans les territoires se réalisent davantage en parallèle. L’analyse permet cependant de cibler des nœuds et des leviers forts inspirants, principalement en ce qui a trait à la posture des actrices et acteurs du développement social et du DCT, la distance entre ces derniers et les acteurs écologistes et, enfin, le sentiment de compétence des intervenants collectifs qui les accompagnent.
Depuis le début de ce partenariat de recherche, on constate une amplification des intérêts pour les enjeux climatiques et la transition socio-écologique dans les démarches de DCT, et notre recherche n’y est pas étrangère. Croyant que le territoire contribue à renforcer la résilience et la capacité collective de composer avec les crises (Huq, 2022), des membres de l’équipe de recherche, en collaboration avec quelques partenaires terrain, ont développé un outil autoportant pour intégrer les diverses dimensions de la transition socio-écologique dans les réflexions et les actions des démarches de DCT.
BIBLIOGRAPHIE
COURTEMANCHE, A., D. BOURQUE, S. RACINE, A.-A. PARENT et L. MORIN. « Développement des communautés et transition socioécologique au Québec », Organisations & Territoires, Vol. 31 no 2, Octobre 2022, p. 7384.
GUAY-BOULET, C., S. MARTIN-DÉRY et G. HUOT. (2021). Économie sociale et transition socioécologique – Quel cadre commun? Territoires innovants en économie sociale et solidaire. https://tiess.ca/wp-content/uploads/2022/05/ Transition_Synthese.pdf
HUQ, S. (2022). Vivre avec 1,1 °C de plus; dans THUNBERG, G. (dir.). Le grand livre du climat, 2022, p. 158161.
LACHAPELLE, R., et D. BOURQUE. Intervenir en développement des territoires, Presses de l’Université du Québec, 2020.
MORIN, L., S. RACINE, D. BOURQUE, A.-A. PARENT, R. LACHAPELLE, C. JETTÉ, S. GRENIER, D. FOISY, S. SAVARD et S.T. MBACKÉ GUEYE. « Développement des communautés et transition socioécologique : étude de huit (8) démarches de développement territorial au Québec », Le Cahier du RQIIAC, 5 (Printemps), 2023, p. 710.
Alors que l’analyse des données se termine, les partenaires de la recherche ont souhaité que la réflexion rayonne davantage et ont voulu outiller dès maintenant l’ensemble des actrices et acteurs en développement social et en DCT appelés à réfléchir à leur positionnement et à leur contribution à la transition socio-écologique.
Les résultats préliminaires de cette étude démontrent qu’il y a encore une faible appropriation des enjeux dans les démarches de DCT et une compréhension limitée de ce qui contribue à la transition socio-écologique. En effet, les démarches étudiées interviennent sur des enjeux qui contribuent déjà de diverses façons à la lutte au changement climatique et à la transition socio-écologique (alimentation, transport, verdissement, partage de ressources, etc.), mais généralement, les actrices et acteurs ne le formulent pas ainsi. Plusieurs hiérarchisent les besoins des populations, souhaitant d’abord répondre aux besoins socio-économiques, notamment des personnes parmi les plus vulnérables, avant de mettre en place des projets qui pourraient également contribuer à améliorer l’environnement. Le passage à l’action est difficile, car les actrices et acteurs des démarches de DCT sont davantage centrés sur les conditions de vie (qui se détériorent dans de nombreux milieux : revenus, logement, accès aux aliments sains, etc.), tandis que celles et ceux visant principalement la transition socio-écologique souhaitent avoir un impact sur les conditions de la vie.
L’outil s’appuie sur les leçons tirées du projet de recherche partenariale à ce jour et d’expériences acquises lors des ateliers de mobilisation des connaissances avec des acteurs locaux. L’objectif de l’outil est de soutenir les démarches de développement social et de DCT qui souhaitent lutter contre la crise climatique, se positionner et se mettre en action pour s’inscrire dans la transition socio-écologique. En raison de son caractère autoportant, les actrices et acteurs auront la liberté d’utiliser l’outil au moment et au rythme qui leur conviennent (par exemple : animation des quatre blocs lors d’une rencontre ou animation d’un bloc par rencontre), et cela, sans devoir composer avec les contraintes associées au recours à une ressource externe.
À la demande du Collectif des partenaires en développement des communautés, nous avons entrepris une étude complémentaire dont l’objectif est d’implanter l’outil, de l’expérimenter et de l’évaluer afin d’éventuellement le bonifier et d’apprendre quant à son utilisation et son utilité concrète. Cette recherche veut notamment contribuer à l’avancement des pratiques et au dépassement de la fragmentation chronique du développement des territoires entre ses dimensions sociales, économiques, culturelles et environnementales (Lachapelle et Bourque, 2020).
Outil accessible au :