Les menus travaux : Un service essentiel pour vieillir chez soi, dans sa communauté

Nancy Lévesque 

Professionnelle de recherche au Centre de recherche sur le vieillissement (CdRV) du CIUSSS de l’Estrie-CHUS

Anne Veil

Professionnelle de recherche au Centre de recherche sur le vieillissement (CdRV) du CIUSSS de l’Estrie-CHUS

Samuèle Rémillard-Boilard

Professeure à l’Université de Sherbrooke et chercheuse au Centre de recherche sur le vieillissement (CdRV) du CIUSSS de l’Estrie-CHUS

Malgré l’ampleur de leurs besoins, les personnes aînées peinent à accéder à des services d’entretien pour réaliser de menus travaux à leur domicile. Les services de menus travaux sont essentiels afin de permettre aux personnes aînées de continuer à vivre chez elles, dans leur communauté. L’article propose de lever le voile sur la nature de ces services, les obstacles pouvant affecter leur implantation et la manière dont les municipalités MADA et leurs partenaires peuvent contribuer à leur déploiement.

La majorité des personnes aînées souhaitent vieillir chez elles, dans leur communauté, le plus longtemps possible. Avec l’avancement en âge, certaines tâches liées à l’habitation, qui étaient autrefois faciles à exécuter, deviennent plus difficiles, voire irréalisables. Avec l’allongement de l’espérance de vie et l’accroissement de la population aînée, tout porte à croire que les besoins en services d’entretien intérieur et extérieur, comprenant les menus travaux, seront de plus en plus réclamés par cette population. 

Comprendre les menus travaux

Les menus travaux englobent des tâches générales d’entretien extérieur (tondre le gazon, ramasser les feuilles) et intérieur (changer le siège de la toilette, remplacer une poignée de porte). 

Comme l’illustre le tableau suivant, certaines tâches sont plus simples, tandis que d’autres peuvent demander des compétences ou des capacités physiques particulières.

TâchesSans  compétence particulièreCompétences particulièresForce soutenueTâche  ponctuelleSaison
Entretenir l’extérieur (ramasser les feuilles, désherber, tondre le gazon, travaux saisonniers)XXX
printemps, été, automne
Déneiger l’entréeX
X
hiver
Installer ou enlever l’abri d’auto
XXXprintemps, automne
Faire ou vider des boîtes de  rangement

XX/
Assembler de petits meublesX

X/
Changer une poignée de porte
X
X/
Installer/enlever un climatiseur
X

été, automne

Les tâches pour lesquelles une personne aînée a besoin de soutien diffèrent selon son type d’habitation et son milieu de vie. La nécessité de faire appel à de l’aide ponctuelle ou régulière fluctue également en fonction des capacités de la personne.

La réalisation de menus travaux contribue à assurer un maintien à domicile sécuritaire et confortable des personnes aînées. Elle permet, entre autres, de réduire des risques liés à leur santé (physique et psychologique) et à leur sécurité lorsqu’elles négligent d’effectuer certaines réparations. Elle contribue également à maintenir la valeur de la propriété et des biens. Le terme « menus » occulte parfois l’importance de ces travaux. Or, un grand nombre de personnes aînées gagneraient à accéder plus facilement à ces services. 

Obstacles rencontrés par les personnes aînées

Plusieurs obstacles entravent présentement la capacité des personnes aînées à répondre à leurs besoins en menus travaux. L’offre limitée et l’accessibilité financière de ces services représentent notamment des freins importants pour ce groupe. Notons que les menus travaux sont exclus du programme d’exonération financière pour les services d’aide domestique (PEFSAD). Le coût devient donc rapidement un obstacle pour les personnes aînées moins nanties. Quant au programme de crédit d’impôt provincial, les critères d’admissibilité sont basés sur l’âge (70 ans et plus), non sur le besoin. Le manque d’information sur ces services ou la difficulté à y accéder (difficulté à comprendre les programmes, les formulaires, les renseignements) représentent également des embûches supplémentaires pour ces personnes. Enfin, la perception des services ou la crainte de demander de l’aide constituent deux autres entraves. La difficulté à faire confiance à un « étranger », l’impression d’être diminué dans ses capacités ou une méconnaissance des services (coût et qualité des services) peuvent être des barrières pour les personnes aînées. 

Organisation des services : un enjeu majeur

Organiser une réponse à ce besoin est complexe, car il n’existe pas de fournisseurs spécifiquement mandatés pour le faire. Les services de menus travaux peuvent être fournis par divers spécialistes dans les secteurs communautaires et privés. 

L’organisation de ces services est également affectée par le fait que : 

  • le rythme des tâches régulières (gazon) et ponctuelles ne requiert pas la même logistique;
  • la stabilité du service est tributaire de l’abondance des demandes pour une même tâche cyclique (monter l’abri d’auto), qui nécessite alors davantage de main-d’œuvre sur un court laps de temps; 
  • l’organisation du service doit tenir compte des déplacements sur le territoire à desservir et du fait que diverses compétences particulières peuvent être requises à un même endroit en même temps. 

L’organisation d’une réponse permettant d’effectuer un vaste éventail de tâches est complexe. Le démarrage d’un tel service implique aussi de se doter d’une assurance en cas de blessures. Enfin, des facteurs organisationnels (défis de recrutement, changement à la direction, pérennité du financement) peuvent également fragiliser la continuité des services déjà en place.

Des défis (et des besoins) marqués en milieu rural

Développer cette réponse est d’autant plus difficile en milieu rural, où les personnes qui offrent ces services doivent parcourir de grandes distances, ce qui entraîne des frais de déplacement et des coûts supplémentaires. La structuration de l’offre de services en menus travaux dans ces milieux devient un enjeu majeur à leur déploiement. Il est présentement difficile de trouver des personnes prêtes à offrir ce type de services ou à le garder pérenne.

Or, les besoins en menus travaux sont particulièrement marqués en milieu rural, où davantage de personnes aînées vivent dans une maison. Ces personnes doivent composer avec une plus grande surface à entretenir et des travaux extérieurs plus extensifs. L’éloignement des proches empêche aussi d’y avoir recours aussi souvent que nécessaire. L’absence de services dans ces milieux peut mener jusqu’à précipiter le déménagement en milieu urbain et obliger les personnes aînées à délaisser leur mode de vie1.

Quelques pistes pour les municipalités MADA

Les comités de pilotage MADA sont des espaces de choix pour discuter de ces enjeux et identifier des pistes de solution possibles. Les pratiques partenariales encouragées par le programme MADA incitent à réseauter les organisations susceptibles de contribuer au développement d’une offre de service en menus travaux. Pensons, par exemple, aux Corporations de développement communautaire (CDC), aux Centres d’action bénévole (CAB), aux Centres jeunesse emploi (CJE) ou aux pôles régionaux d’économie sociale. 

Le réseautage et l’action intersectorielle comportent des avantages considérables pour développer ces services, car ils permettent : 

  • d’assurer une certaine logistique et d’éviter les chevauchements ou la concurrence; 
  • d’éviter le dédoublement afin d’utiliser les ressources de manière efficiente; 
  • d’offrir une variété de services en menus travaux qu’une seule personne n’aurait pu développer.

Les municipalités MADA qui souhaitent mettre en place des mesures en menus travaux ont plusieurs options, comme miser sur l’engagement communautaire et aller vers les citoyennes et citoyens en mentorant des jeunes par le Plan municipal d’emplois pour les jeunes en Centre jeunesse de l’UMQ2 ou profiter des programmes de bénévolat de certaines écoles secondaires.

La municipalité peut aussi utiliser son leadership pour développer un programme municipal d’aide au troisième âge qui inclut les menus travaux prioritaires relevés lors de la consultation des personnes aînées. Elle peut être à l’affût des initiatives citoyennes et les encourager par l’octroi de ressources ou d’une aide à la gestion. La municipalité peut, par exemple, participer à la création d’une Coop d’initiation à l’entrepreneuriat collectif (CIEC) pour les jeunes où ils participeront à l’exécution des travaux, travailleront en comité et développeront leurs connaissances en leadership et en gestion des coopératives. 

Conclusion

Les menus travaux jouent un rôle majeur dans le maintien à domicile des personnes aînées qui est sécuritaire et confortable. Les comités de pilotage MADA procurent un espace collaboratif de choix pour planifier et élaborer une réponse en menus travaux. Comme gouvernements de proximité, les municipalités possèdent de nouveaux leviers de développement dans lesquels elles peuvent investir. Les projets en menus travaux en font partie.

 

1 Collin, Y. (2021). Vivre et vieillir ensemble dans nos quartiers ruraux – Rapport de recherche. 47 p. https://www.benevolern.com/client_file/upload/CABRN/VVEQR/VVEQR_RapportVF.pdf

2 Union des municipalités du Québec (s.d.) Plan municipal d’emplois pour les jeunes en Centre jeunesse. Repéré à https://umq.qc.ca/dossiers/jeunesse-et-releve-municipale/plan-municipal-demploi/

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