Julien Cadieux Seers
Chargé de projet dossier enfance, reconnaissance municipalité amie des enfants, Espace MUNI
Entrevue avec Manon St-Hilaire,
Représentante de l’organisme Mères au front et enseignante à l’école Sainte-Thérèse-del’Enfant-Jésus de Saint-Jérôme
Mères au front
Organisme créé en 2020 pour donner suite à une rencontre entre l’écosociologue Laure Waridel et la cinéaste et autrice Anaïs Barbeau-Lavalette et réunissant des femmes (et leurs alliés) en colère contre l’inaction des gouvernements face à l’urgence climatique
La Chaise des générations
Chaise fabriquée de matériaux recyclés par un groupe d’enfants et placée en évidence au conseil d’une municipalité donnée de façon à représenter et à porter la voix des générations futures
Quand on arrive sur votre site Web, un texte écrit en gras nous accueille ainsi : « Ça suffit. Nous, mères et grandsmères, montons au front. Nous passons à l’action pour protéger l’avenir de nos enfants de la crise climatique. » L’évocation du front est une métaphore guerrière que vous semblez assumer pleinement. Sommes-nous en guerre?
Mères au front – Le monde s’entend pour dire qu’il y a bel et bien une crise climatique. Or, face à une crise, les solutions doivent être courageuses et responsables. En ce moment, on sent beaucoup d’immobilisme de nos gouvernements. Nous nous sentons le devoir de brasser la cage de ces gens-là, de bousculer leurs programmes afin de provoquer une volonté politique réelle par rapport à ces questions. Alors oui, d’une certaine façon, on peut dire que nous sommes en guerre contre l’inaction chronique de nos décideurs.
Quelles actions déployez-vous pour les sensibiliser à la protection de l’environnement pour assurer un avenir sain aux enfants?
Mères au front – L’organisme étant décentralisé, chaque groupe de Mères au front peut articuler ses actions selon les besoins observables dans sa communauté. Certaines causes d’envergure plus nationale rassemblent plusieurs groupes de Mères qui conjuguent leurs efforts selon l’importance du combat à mener. On peut penser à la cause de la qualité de l’air dans la région de Rouyn-Noranda, par exemple. Ici, à Saint-Jérôme, les luttes s’articulent surtout autour de la protection des rivières principales du territoire, qui constituent l’âme et le cœur de toute la région.
Vous rassemblez des mères, des grands-mères et leurs alliés autour des valeurs de bienveillance, de solidarité et de respect, en y ajoutant des principes fondateurs de diversité, d’inclusion et de non-violence. Pourquoi avoir articulé votre mission autour de ces axes précis?
Mères au front – L’objectif du mouvement est à la fois de protéger ce que nous avons, autant en matière d’acquis sociaux que de la biodiversité, et de construire un monde meilleur. Pour construire, il faut créer des liens, il faut tisser une toile, il faut bâtir des ponts. Alors, ces valeurs encadrent l’ensemble de nos actions. Il est crucial de trouver le bon équilibre entre ces principes et la lutte qui doit aussi être menée de front.
Parlons maintenant plus précisément du projet de la Chaise des générations. Que symbolise concrètement cette chaise?
Mères au front – Il s’agit de rassembler des enfants autour de la confection d’une chaise qui sera ensuite placée de façon visible en tout temps au conseil municipal d’une municipalité donnée. Les enfants d’aujourd’hui sont non seulement les adultes de demain, mais ils sont déjà des citoyens à part entière, même s’ils n’ont pas le droit de vote. L’intention derrière la Chaise des générations est de rappeler aux membres du conseil municipal que chaque décision prise de leur part affectera l’ensemble des générations futures et qu’ils sont donc redevables envers cette jeunesse qui n’a pas tout à fait encore voix au chapitre, mais dont la parole doit absolument être entendue et considérée.
Vous avez justement participé à la création d’une telle chaise à l’école Sainte-Thérèse-de-l’Enfant-Jésus de SaintJérôme l’automne passé. Comment cette expérience a-t-elle été vécue par les enfants et à quel point sont-ils conscients de la signification de leur confection?
Mères au front – Je ne connais aucun enfant qui soit insensible à la cause environnementale. Alors, en décorant cette chaise, les enfants étaient pleinement conscients des enjeux qu’elle allait représenter devant leurs élues et élus. Mes élèves, même s’ils n’ont que onze ou douze ans, sont très mobilisés et ont adoré participer à l’exercice, d’autant plus qu’ils commencent à vivre eux-mêmes les conséquences de la crise, avec les feux de forêt et les inondations historiques de l’été passé dans la région.
De quelle façon la volonté politique de la Ville s’est-elle matérialisée au sein de ce projet?
Mères au front – Le projet a été entrepris et porté par les élèves de ma classe. Lors de la remise de la chaise en novembre dernier, les élues et élus ont accueilli l’initiative à bras ouverts, car il y a véritablement une sensibilité pour ces questions au sein de notre ville. Les enfants ont évidemment exprimé des préoccupations et formulé des souhaits à leurs représentants et représentantes. Nous nous assurerons de procéder à un suivi serré des décisions de notre conseil municipal durant les prochaines années.