L’extraordinaire laboratoire italien de la subsidiarité horizontale suscite beaucoup d’intérêt à l’étranger

Daniela Ciaffi

Professeure associée de Sociologie urbaine à l’École Polytechnique de Turin,Italie et vice-présidente du Laboratoire pour la Subsidiarité, Labsus

Traduit de l’Italien

Combien de tournées dans le monde la méthode Montessori a-t-elle faites, partant d’Italie, puis y retournant? J’espère souvent que quelque chose de similaire arrivera à la gestion partagée des biens communs et des services publics. J’ai donc accepté avec beaucoup d’enthousiasme une invitation spéciale, car elle provenait de personnes aux profils différents, toutes souhaitant mieux comprendre comment l’extraordinaire laboratoire italien de la subsidiarité horizontale a commencé et continue. Comme lorsque, depuis 2014, la population active aux profils les plus divers téléchargent le Règlement de gestion partagée des biens communs du site Labsus, de la même manière, mais outre-mer, j’ai perçu cette même soif de changement, celle d’une humanité en quête urgente de formes concrètes de cogestion des ressources communes et des services d’intérêt général. Il y a des énergies civiques et professionnelles dans le monde qui se mettraient volontiers au service d’une révolution aussi silencieuse que puissante dans la démocratie locale. Les innovations structurelles du droit administratif compréhensibles par toutes et tous, comme les pactes de collaboration, se révèlent être des dispositifs aussi simples qu’ingénieux. 

L’administration partagée : une pratique enviée à l’étranger 

Dans un article publié en septembre dernier et intitulé Voici le Québec qui prend soin des biens communs, Catherine Chouinard et Flavie Lavallière présentaient la délégation canadienne que j’avais initiée à notre approche collaborative lors d’une rencontre à Milan organisée par Enzo Pezzini. Cette brève rencontre a été semblable à un coup de foudre mutuel. Elles ont découvert, grâce à Gianfranco Marocchi et à moi, deux dynamiques surprenantes.

D’une part, en Italie, depuis près d’une décennie, nous théorisons et pratiquons l’administration partagée des biens communs dans des centaines de villes et de territoires dispersés le long de la péninsule, à travers des milliers de pactes de collaboration ouverts aux individus et aux groupes informels. Je peux vous assurer que cette ouverture semble incroyable pour des oreilles étrangères. D’autre part, grâce à une sentence explosive de la Cour constitutionnelle italienne publiée en 2020, donc en pleine pandémie, la gestion partagée des services publics se reflète et se pratique dans notre pays à travers des processus de co-conception et de co-programmation menés par les administrations publiques en collaboration avec des entités du secteur tertiaire. Encore une fois, je constate une incrédulité absolue des non-Italiens lorsqu’ils précisent que de tels processus peuvent conduire à des choix qui ne sont pas soumis à des critères purement économiques. 

Un terrain fertile pour la subsidiarité horizontale 

J’ai, à mon tour, déjà flairé leurs premiers retours. Après cette mission à Montréal, je suis encore plus convaincue que le Québec est potentiellement un écosystème unique dans lequel le mélange franco-anglo-saxon pourrait être d’une fécondité exceptionnelle pour des concepts comme la subsidiarité horizontale, l’administration partagée, le droit au soin des biens communs, la co-conception et la co-programmation des services publics, les rapports d’égalité entre les citoyens actifs et les gestionnaires techniques et politiques de la fonction publique administrative, les pactes de collaboration toujours ouverts aux personnes qui veulent apporter leur contribution.

En effet, s’il est vrai qu’il existe en France une culture publique très dirigiste et autoritaire, il est également vrai que les Français sont, à mon avis, parmi les peuples les plus attentifs à leurs droits. Je ne sais pas si cela se fait consciemment, mais en Italie, nous travaillons dur, à l’intérieur et à l’extérieur des mairies, pour faire comprendre au monde que les habitants actifs doivent avoir le droit de prendre soin des biens communs. Le déclencheur est leur initiative autonome, comme le dit le dernier paragraphe de l’article 118 de la Constitution italienne de 2001 : et c’est une caractéristique très différente de la participation promue par les sujets publics. À cet égard, la culture anglo-saxonne est forte et profondément enracinée, où lancer spontanément des initiatives d’intérêt général est beaucoup plus facile et moins bureaucratisé. 

Si notre voyage était une bande dessinée 

Il y a des rêves, des émotions et des pensées que je semble mieux exprimer en dessinant. Je continue donc l’histoire avec un mini-roman graphique amateur qui tente d’illustrer ma merveilleuse semaine à Montréal. En conclusion, si vous avez des informations, des questions, des idées sur d’éventuels ponts démocratiques et coopératifs entre l’Italie et le Canada, n’hésitez pas à m’écrire à contatti@labsus.net. 

Et si, le long d’une rue piétonne du centre-ville ou du Plateau Mont-Royal, des artistes de rue chantaient les gestes de ceux et celles qui prennent soin des biens communs à Montréal? Comme tous les collectifs actifs de la Cité des Hospitalières, qui s’ouvrent à l’accueil des énergies nouvelles en se demandant : « Vous ou votre organisation, souhaiteriez-vous participer au projet de transition? »

Entre le monde universitaire et le tiers secteur : je suis une femme hybride et heureuse, invitée, d’une part, par Communagir, un organisme à but non lucratif voué au développement des villes et des territoires au Québec, et, d’autre part, par HEC Montréal, l’école des hautes études commerciales, par l’Université Saint-Paul à Ottawa, par le centre de recherche sur les innovations sociales CRISES et par les nombreux autres organismes indiqués dans les bandes dessinées.

PS J’ai certainement oublié quelqu’un, tant dans le texte que dans les dessins, et je m’en excuse. Encore une fois, mes sincères remerciements pour l’accueil que vous m’avez réservé, pour les nombreuses marques d’appréciation du travail de Labsus, mais surtout pour l’intérêt pour le travail que de nombreux habitants actifs réalisent à l’intérieur et à l’extérieur des municipalités italiennes : une communauté unique de personnes, travaillant ensemble pour la gestion partagée des biens communs et des services publics.

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