Exercer son rôle juridique en tant que municipalité

Cette section a été rédigée par Me Marc-Andre LeChasseur du cabinet Bélanger Sauvé.

Les rôles et les responsabilités juridiques des municipalités en matière de services de garde éducatifs à l’enfance (SGEE)

Rappelons tout d’abord que les municipalités ne disposent que des pouvoirs qui leur sont délégués par le gouvernement provincial et qu’elles ne peuvent exercer ces pouvoirs que dans le cadre établi par la loi qui les leur a confiés.

La Loi sur les compétences municipales - RLRQ c. C-47.1 (LCM), la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme - RLRQ c. A-19.1 (LAU), la Loi sur les cités et villes - RLRQ c. C-19 (LCV) ou le Code municipal du Québec - RLRQ c. C-47 (CM) et la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance - RLRQ c. S-4.1.1 (LSGEE) donnent aux municipalités un certain nombre d’outils qui leur permettent non seulement d’encadrer l’implantation et la gestion des SGEE (Services de garde éducatifs à l’enfance) sur leur territoire, mais également de prendre des mesures incitatives à leur installation lorsque cela s’avère nécessaire pour répondre aux besoins de leur population.

1 Encadrement

Il faut souligner que la plupart des sujets sur lesquels une municipalité peut être appelée à adopter une réglementation pour encadrer l’implantation et l’exploitation des SGEE font déjà l’objet de normes provinciales (voir Loi sur les SGEE -RLRQ c. S-4.1.1 - et Règlement sur les SGEE -RLRQ c. S-4.1.1., r.2.).

Les municipalités peuvent adopter une réglementation, dans les limites de leurs compétences (par exemple en matière d’urbanisme et de salubrité), lorsqu’un mode de garde n’est pas encadré par les normes provinciales. C’est notamment le cas de certains SGEE en milieu familial non reconnus par un bureau coordonnateur de la garde éducative en milieu familial.

Notez que les SGEE en milieu familial non reconnus devront cesser leurs activités en 2026.

Normes spécifiques aux SGEE et certificat d’occupation

Les municipalités peuvent, en vertu de l’article 119 de la LAU (Loi sur l’aménagement et l’urbanisme), obliger les occupants d’un établissement de SGEE à obtenir un certificat d’occupation attestant de la conformité de l’usage et de ses équipements ou de ses installations à la réglementation d’urbanisme et sur la salubrité applicable. Les municipalités ont notamment compétence en matière d’aménagement du territoire, de nuisances et de salubrité. De même, elles peuvent adopter des mesures non réglementaires en matière de SGEE. L’exercice de la compétence municipale doit donc se situer à l’intérieur de ces balises afin de ne pas empiéter sur un domaine de compétence provinciale ni excéder la compétence déléguée aux municipalités.

À partir du 1er avril 2026, toutes les municipalités du Québec devront avoir adopté un règlement sur l’entretien et l’occupation des bâtiments. Ce règlement verra notamment à s’assurer de l’entretien de toutes les parties constituantes du bâtiment afin qu’elles offrent la solidité nécessaire pour résister aux divers éléments de la nature, à la conservation du bâtiment en bon état, pour qu’il puisse servir à l’usage auquel il est destiné et soit sécuritaire, salubre et habitable pour ses occupants, à son entretien et à son maintien. Rappelons qu’ à partir du 1er septembre 2026, il sera illégal d’avoir un service de garde en milieu familial non reconnu.

En plus de satisfaire à cette obligation, les municipalités peuvent adopter un règlement qui prévoit les normes devant être respectées par les exploitants et les propriétaires de SGEE en matière de sécurité et de salubrité de l’établissement pour pouvoir prétendre à l’obtention du certificat d’occupation. L’obtention du certificat sera également soumise au respect des autres dispositions réglementaires de la municipalité.

Ce règlement pourra inclure les procédures d’obtention et de renouvellement du certificat d’occupation (documents à fournir, inspection préalable des locaux, renseignements sur le personnel de l’établissement, frais, etc.).

À titre d’exemple, les dispositions auxquelles l’exploitant ou le propriétaire d’un SGEE devrait se conformer pourront porter sur :

  • la propreté des locaux et des équipements ;
  • la configuration et le nombre de salles de bain ;
  • la présence d’appareils de chauffage et d’aération (la température des locaux) ;
  • les surfaces d’agrément extérieures.

Ce règlement devra prévoir, en vertu de l’article 411 de la LCV (Loi sur les cités et villes), les procédures encadrant l’inspection (intérieure et extérieure) par les services municipaux des locaux ainsi que des équipements qui s’y trouvent. En cas de constat d’une cause d’insalubrité ou d’un manquement aux règles de sécurité dans un SGEE, le règlement pourra préciser que des mises en demeure seront envoyées à l’exploitant ou au propriétaire du SGEE l’enjoignant de prendre les mesures correctives nécessaires dans un certain délai.

Le règlement devra également faire état des sanctions (amendes, suspension temporaire ou révocation du certificat d’occupation, etc.) auxquelles s’exposent les exploitants ou les propriétaires de SGEE qui contreviennent aux dispositions du règlement et les recours que la municipalité pourra mettre en œuvre pour faire cesser une contravention à la réglementation.

Normes et lieu d’implantation

Les municipalités peuvent choisir d’adapter, si tel n’est pas déj à le cas, leur réglementation d’urbanisme (notamment en matière de normes d’implantation) au cas particulier des SGEE.

À titre d’exemple, les dispositions relatives à l’implantation des bâtiments devant accueillir un SGEE pourront porter sur :

  • la hauteur des bâtiments ;
  • les retraits et les coefficients d’occupation des sols ;
  • la superficie et la largeur minimale du terrain ;
  • l’obligation de clôturer la propriété à une certaine hauteur, variable en fonction du lieu où se situe le SGEE ;
  • l’emplacement et le nombre des aires de stationnement.

Relativement à l’implantation des SGEE, la municipalité peut envisager de soumettre la délivrance des permis d’exploitation à la condition que le SGEE soit situé à une certaine distance d’activités dont le voisinage ou la proximité pourrait s’avérer problématique et incompatible avec la présence d’enfants en bas âge. Il s’agit d’une mesure de contingentement.

On pense, par exemple, aux :

  • débits d’alcool ou de tabac ;
  • cabarets pour adultes ;
  • industries polluantes ou à risques ;
  • taxes de transport majeurs ;
  • sources de bruits ou de poussières.

Les normes relatives aux espaces de stationnement sont un bon exemple de dispositions présentes dans toutes les réglementations municipales qui peuvent être adaptées par les municipalités pour assurer un encadrement adéquat, tout en répondant aux besoins particuliers des SGEE en la matière. Une telle mesure peut prendre la forme d’un nombre de places obligatoire réduit par rapport à un bâtiment commercial ou communautaire accueillant une autre activité, mais être compensée par l’obligation d’aménager un débarcadère sécuritaire pour les enfants, puisque l’achalandage est principalement concentré le matin et le soir.

2 Mesures incitatives

Zonage

L’article 134 de la Loi sur les SGEE permet à une municipalité locale d’autoriser l’implantation de SGEE dans une zone où sa réglementation prohibe en principe ce type d’usage (rappelons que cette prohibition ne saurait être totale) sans avoir à modifier son règlement de zonage au préalable. Ce pouvoir « extraordinaire » accordé à la municipalité reflète la volonté du législateur de favoriser l’implantation de nouveaux SGEE sans l’assujettir à la procédure d’approbation référendaire normalement applicable. Rappelons qu’une municipalité peut adopter un règlement qui a pour effet d’empêcher une personne d’instaurer ou de maintenir un service de garde éducative en milieu familial, mais qu’elle ne peut toutefois pas adopter un règlement qui a pour unique objet d’empêcher une personne d’instaurer ou de maintenir un tel service.

L’autorisation ainsi accordée peut être assortie de conditions. Ces conditions doivent s’inscrire dans le champ de compétence de la municipalité. On peut, par exemple, envisager que l’octroi d’une telle autorisation soit conditionnel à l’obtention, par son titulaire, d’un permis d’exploitation conformément à la réglementation mise en place par la municipalité.

La municipalité pourra, si elle le souhaite et dans un souci de respect de l’équité procédurale, encadrer l’octroi des autorisations en vertu de l’article 134 par la détermination au préalable de critères et d’une procédure applicables à toutes les demandes qui pourraient, par exemple, figurer dans un guide ou une politique. Il faut souligner que la municipalité devra alors appliquer les critères qu’elle aura déterminés et suivre la procédure qu’elle s’est fixée.

Par ailleurs, ces critères ne doivent être ni limitatifs ni contraignants eu égard à la portée de la discrétion municipale. Par définition, cette dernière ne peut ni ne doit être abdiquée pour des motifs d’intérêt public.

Mise à disposition de locaux ou de terrains

L’article 29 (3°) de la LCV permet aux municipalités d’acquérir, de construire ou d’aménager, sur leur territoire, des immeubles qui peuvent être loués ou vendus au profit de centres de la petite enfance ou de garderies au sens de la Loi sur les SGEE. Cette disposition permet à la municipalité de céder ou de louer les locaux ou le terrain gratuitement.

Cet outil offre donc la possibilité à une municipalité de faciliter l’implantation de nouvelles structures de SGEE sur son territoire en finançant en tout ou en partie l’investissement immobilier qui s’y rattache. Il faut noter que, depuis 2017, toute taxe municipale imposée en vertu du pouvoir général de taxer prévu à l’article 500.1 de la LCV ne peut viser un centre de la petite enfance au sens de la LSGEE (Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance).

Guide pour l’aménagement d’une installation où sont fournis des services de garde

Ce guide, produit par le ministère de la Famille, s’adresse d’abord aux demandeurs et aux titulaires de permis qui souhaitent implanter une installation de SGEE en centre de la petite enfance (CPE) ou en garderie. On y présente sommairement les différents intervenants, dont les municipalités, avant de vulgariser des informations clés relatives aux étapes à suivre pour l’implantation d’un SGEE et à la réglementation concernant l’aménagement de ses espaces intérieurs et extérieurs.

Les rôles, les pouvoirs et les responsabilités liés à l’urbanisme

Le gouvernement du Québec assure l’encadrement normatif des SGEE. Les municipalités disposent cependant de compétences en matière d’urbanisme ou de santé et sécurité. Elles peuvent en effet exiger et accorder des permis d’exploitation, prendre des décisions en matière de zonage et faire appliquer des règlements urbanistiques, en plus d’avoir un pouvoir d’inspection (prévention des incendies, sécurité des installations et des équipements, salubrité, etc.). Les municipalités peuvent exercer ces pouvoirs à l’égard des services régis et non régis par la LSGEE.

Le ministère des Affaires sociales et de l’Habitation a produit une fiche intéressante intitulée Intervention – Équipements et services à caractère culturel, récréatif et social dans le guide La prise de décision en urbanisme.

Les questions ci-dessous peuvent guider les municipalités dans leurs interventions et dans leurs décisions en matière de réglementation, dans le respect de leurs pouvoirs et de leurs champs de responsabilité actuels. Bien entendu, leurs interventions doivent être en concordance avec les dispositions législatives et réglementaires du ministère de la Famille (MF) et viser à offrir le meilleur environnement possible pour la dispensation des services.

Emplacement et zonage

  • Quels sont les emplacements qui pourraient accueillir un SGEE ?
  • Le bâtiment respecte-t-il les règles d’urbanisme applicables en regard de son emplacement (marges de retrait, coefficient d’occupation du sol, accessibilité, etc.) ?
  • Les commerces et les bâtiments à proximité du SGEE ont-ils un usage compatible avec celui-ci ?

Bien-être, sécurité et salubrité

  • Le bâtiment dans lequel est situé le SGEE est-il sécuritaire ?
  • Le SGEE respecte-t-il les règles en matière de prévention des incendies ?
  • Les espaces occupés par le SGEE sont-ils salubres ?
  • Le chauffage, l’aération et la luminosité sont-ils adéquats ?
  • Les équipements utilisés sont-ils adéquats et sécuritaires ?
  • Y a-t-il toujours au moins un adulte titulaire d’une formation en secourisme avec les enfants ?

Intégration et architecture

  • Le bâtiment dans lequel est situé le SGEE s’intègre-t-il bien à l’environnement ?
  • Respecte-t-il les normes d’architecture et d’urbanisme en vigueur dans son secteur (hauteur et profil du bâtiment, enseigne, revêtement, etc.) ?
  • Serait-il possible de convertir l’usage du bâtiment éventuellement ?

Voisinage et cohabitation

  • Le SGEE respecte-t-il les règles de bon voisinage et son implantation permettra-t-elle une cohabitation harmonieuse ?

Stationnement

  • Des espaces suffisants de stationnement ont-ils été prévus par le SGEE, en fonction du nombre d’enfants accueillis et du secteur dans lequel il est situé ?

Cours extérieures

  • La cour extérieure est-elle située dans un espace adéquat ?
  • La sécurité des enfants peut-elle y être assurée ? La piscine est-elle clôturée ?
  • L’espace favorise-t-il l’activité physique ?
  • Les structures de jeu sont-elles sécuritaires ?

Parcours sécuritaires

  • Existe-t-il des corridors de sécurité pour faciliter les déplacements des enfants qui fréquentent le SGEE vers les parcs et les installations récréatives et de loisir du secteur ?